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Une résilience ou les trois Marie-Odile, Le combat d'une scientifique contre les hormones de synthèse, livre-témoignage de Marie-Odile-Soyer-Gobillard (Hhorages)

Une résilience : le combat d'une scientifique contre les hormones de synthèse, un livre-témoignage de Marie-Odile Soyer-Gobillard

Comme de nombreuses femmes entre 1949 et 1970 (en France), Marie-Odile Soyer-Gobillard, après avoir fait une fausse-couche, s'est vue prescrire un traitement « miraculeux » censé garantir le bon déroulement de ses grossesses suivantes.

A cette époque, suite à la thèse du biologiste américain OW Smith1, les médecins étaient tous convaincus que la chute du taux de certaines hormones observée dans les urines lors d'une fausse-couche était responsable de cette dernière - confondant ainsi les effets avec la cause - et que combler ce supposé déficit permettrait ainsi aux femmes de mener à terme leur(s) grossesse(s).

C'est ainsi que le gynécologue de Marie-Odile Soyer-Gobillard, ayant constaté chez elle cette « carence », lui prescrivit non pas une, mais trois hormones sexuelles synthétiques : du diéthylstilbestrol (Distilbène®), de l'éthinylestradiol (un des composants de la pilule contraceptive) ainsi qu'un progestatif, et ce pour ses deux grossesses.

Elle donnera naissance à une fille et un garçon, tous deux en bonne santé jusqu'à la fin de l'adolescence, où ils développeront chacun des troubles psychiatriques, avant de se suicider, à trois ans d'intervalle. Ce n'est que bien plus tard qu'elle fera le lien entre cette prise de médicaments et les pathologies de ses enfants.

De l'intuition de René Alexandre à la naissance de Hhorages

C'est tout d'abord René Alexandre2, un ingénieur caennais, père de trois enfants exposés in utero à un cocktail d'oestro-progestatifs et ayant développé des épisodes psychopathologiques à l’adolescence avant de se suicider, qui se questionne sur les effets psychiatriques de ces substances sur les enfants. Il étudie et rassemble la littérature scientifique sur le sujet et commence à fédérer des familles3. C'est en 1998 que Marie-Odile Soyer-Gobillard fait à son tour le lien entre les traitements hormonaux reçus au cours de ses grossesses et les troubles de ses enfants, en lisant un appel aux familles lancé par René Alexandre dans la revue de l'UNAFAM4.

Au sein de l’association DES de l'époque, R é s e a u  D . E . S . , ce qu'avancent René Alexandre et les mères DES qui l'ont rejoint dans ses questionnements ne fait pas l’unanimité. En effet, sa présidente ainsi que le médecin de référence de l'association ne sont pas convaincus de l’existence d’un lien entre l’exposition au DES et la survenue de troubles mentaux. C’est ainsi que la présidente leur demande de quitter l’association et de créer leur propre association afin que les objectifs poursuivis par chacun soient clarifiés5. Cette association est néanmoins à l'origine d'une première recherche menée par le Professeur en psychiatrie Hélène Verdoux - membre du conseil scientifique de l'association - qui évoquait une possibilité d'incidence entre une exposition au diéthylstilbestrol in utero et la survenue de troubles psychiques, en insistant toutefois sur la nécessité de poursuivre les recherches du fait que la connaissance même de l'exposition est susceptible de renforcer les vulnérabilités psychiques6.

Après ce rejet, Marie-Odile Soyer-Gobillard, avec d'autres mères DES, décident de poursuivre le combat de René Alexandre, alors décédé. C’est ainsi qu’en 2002, elles fondent l’Association Hhorages-France (Halte aux HORmones Artificielles pour les GrossessES).

Un livre mi-scientifique mi-témoignage7

Ce livre, auto-publié par l'association Hhorages, est divisé en trois grandes parties ; tout d'abord des témoignages : celui de Marie-Odile Soyer-Gobillard et le récit très immersif de sa fille, puis ceux d'autres mères, de filles et enfin de fils DES. Certains de ces témoignages, tous très intéressants, sont particulièrement bouleversants ; notamment celui de Ruth et d'Anne-Christine qui sont par ailleurs très bien écrits. L'on peut aussi y lire de touchants poèmes. Si tous ces témoignages nous ont beaucoup ému, nous aurions toutefois aimé aussi retrouver ceux des petits-enfants DES. Cette partie traite aussi de l'histoire de la fondation de Hhorages.

L'on retrouve, dans la seconde partie du livre - plus scientifique, le combat de Hhorages pour démontrer le lien de causalité entre exposition aux hormones sexuelles artificielles et troubles psychiatriques, avec la constitution de la cohorte en 2015, puis la rencontre avec le Pr Marie-Odile Krebs, psychiatre, professeur et chercheur au centre hospitalier Sainte-Anne à Paris. De leur collaboration naît en 2007 un projet de recherche PICRI (Partenariat institutions-citoyens pour la recherche et l’innovation), financé par la Région Île-de-France,  auxquelles les familles membres de Hhorages participent. Leur travail a porté ses fruits puisqu'en 2017, l'équipe de recherche dirigée par le Pr Krebs met en évidence chez des patients souffrant de troubles psychotiques et exposés in utero au diéthylstilbestrol (Distilbène®) une modification dans l'expression de certains gènes8. L’on y retrouve aussi la rencontre de Marie-Odile Soyer-Gobillard avec l’équipe du Pr Charles Sultan du CHU du Montpellier, avec qui elle a pu prouver l’effet transgénérationnel du DES ; les résultats montrent en effet un taux deux fois plus élevé d’hypospadias chez les petits-fils que chez les fils DES9.

La dernière partie relate, quant à elle, l'histoire judiciaire passée et actuelle de l'association avec la rencontre avec la juge, puis avocate, Marie-Odile Bertalla-Geffroy. Sont expliquées les avancées, mais aussi les difficultés. En effet, et à titre d'exemple, en 2007, le Pr Verdoux publie un second article qui contredit en partie celui de 2000 en concluant en l'absence de lien10. Cette étude de 2007, encadrée par l'INSERM et financée par l'AFSSAPS, est constamment citée par les détracteurs de Hhorages, entravant fortement leur action devant le tribunal pénal, alors même qu'une troisième étude du Pr Verdoux (issue d'une enquête de R é s e a u  D . E . S . ), pourtant plus récente (2017), conclue que 1,7 fois plus de filles DES ont consulté un psychiatre que de femmes non-exposées11. Des résultats discordants qui demandent que la recherche se poursuive.

L'auteur : une scientifique aux multiples casquettes

Portrait de Marie-Odile Soyer-Gobillard, Docteur-ès-Sciences, biologiste cellulaire, présidente de l’association HHORAGES, auteur du livre Une résilience ou les trois Marie-Odile

Marie-Odile Soyer-Gobillard vit à Perpignan. Elle est directeur de recherche émérite honoraire au Centre National de la Recherche Scientifique (C.N.R.S.). Docteur-ès-sciences en biologie cellulaire (PH.D.), elle a effectué sa carrière au sein du laboratoire Arago (maintenant Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer) jusqu’à sa retraite en 2000. Ses travaux ont porté sur l’étude cellulaire et moléculaire des protistes (organismes vivants unicellulaires).

En 2002, avec d'autres mères DES, elle a fondé l'association Hhorages, dont elle assure la présidence depuis 2010. L'objectif principal poursuivit par cette association est d'établir le lien de causalité entre la prise d'hormones sexuelles de synthèse pendant la grossesse et l'apparition de troubles psychiatriques, accompagnés ou non de troubles somatiques, chez les enfants issus de ces grossesses.

Elle est à la fois mère DES (donc victime), scientifique publiant maintenant des articles sur le DES (ou hormones apparentées) et ses effets multigénérationnels, présidente d'une association DES, et ces différentes casquettes lui sont actuellement reprochées par les laboratoires pharmaceutiques qui mettent en doute sa partialité et refusent ainsi de tenir compte de ses publications lors des procédures judiciaires initiées par Hhorages, leur préférant obstinément l'étude du Pr Verdoux de 200712.

C'est ici, vous l'aurez compris, un livre très intéressant, riche d'informations, que nous vous présentons. Pour vous le procurer, rendez-vous sur : https://librairie.nombre7.fr/hippocrate/2618-une-resilience-ou-les-trois-marie-odile-9782381536606.html

Le livre vient également de paraître en anglais, toujours chez Nombre7 éditions. Il s'intitule "Resilience A scientist's campaign against synthetic hormones". En savoir plus : https://librairie.nombre7.fr/sante/3650-resilience-9782383512110.html

Avertissement : Nous avons lu la 1ère édition du livre (juillet 2021) pour écrire cet article.

Notes et références

  1. Smith OW et al, Diethylstilbestrol in the Prevention and Treatment of Complications of Pregnancy, Am J Obstet Gynecol 1948.
  2. René Alexandre est parfois présenté sous le nom de Claude Legrand : [En ligne] Une mère contre le distilbène, Viva, 01/03/2011, consulté le 10/09/2022 ; [En ligne] Distilbène, dépression et suicides : quels liens ?, Doctissimo, 13/07/2011, consulté le 10/09/2022.
  3. Fillion, Emmanuelle, et Didier Torny. « Un précédent manqué : le Distilbène® et les perturbateurs endocriniens. Contribution à une sociologie de l’ignorance », Sciences sociales et santé, vol. 34, no. 3, 2016, pp. 47-75.
  4. Un autre regard, UNAFAM, n°2, 1998.
  5. Coline Salaris. Mobilisations en souffrance : analyse comparative de la construction de deux problèmes de santé publique : (familles victimes du Distilbène et agriculteurs victimes des pesticides). Science politique. Université de Bordeaux, 2015. Français. ffNNT : 2015BORD0462ff. fftel-01278157f
  6. Verdoux, H. Quelles sont les conséquences psychiatriques de l'exposition intra-utérine au diéthylstilbestrol (DES, Distilbène) ? Annales médico-psychologiques, 2000, 158 (2), 105-117
  7. [En ligne] Expression employée par Sophie Guégan dans son témoignage « Avec le Distilbène, j’en ai pris pour perpète », Ouest France, 22/11/2021, consulté le 11/09/2022.
  8. Rivollier F, Chaumette B, Bendjemaa N, Chayet M, Millet B, Jaafari N, Barhdadi A, Lemieux Perreault LP, Provost S, Dubé MP, Gaillard R, Krebs MO, Kebir O. Methylomic changes in individuals with psychosis, prenatally exposed to endocrine disrupting compounds: Lessons from diethylstilbestrol. PLoS One. 2017 Apr 13;12(4):e0174783. doi: 10.1371/journal.pone.0174783. ECollection 2017.
  9. Kalfa N, Paris F, Soyer-Gobillard MO, Daures JP, Sultan C. Prevalence of hypospadias in grandsons of women exposed to diethylstilbestrol during pregnancy: a multigenerational national cohort study. Fertil Steril. 2011 Jun 30;95(8):2574-7. doi: 10.1016/j.fertnstert.2011.02.047. Epub 2011 Apr 2. PMID: 21458804.
  10. VERDOUX, H., ROPERS, J., COSTAGLIOLA, D., CLAVEL-CHAPELON, F., & PAOLETTI, X. (2007). Serious psychiatric outcome of subjects prenatally exposed to diethylstilboestrol in the E3N cohort study. Psychological Medicine, 37(9), 1315-1322. doi:10.1017/S0033291707000438
  11. Verdoux H, Devouche E, Tournaire M, L e v a d o u   A. Impact of prenatal exposure to diethylstilbestrol (DES) on psychological outcome: a national survey of DES daughters and unexposed controls. Arch Womens Ment Health. 2017;20:389-395 https://www.ncbi.nlm.nih. gov/pubmed/28064340
  12.  [En ligne] Hhorages-Info n°17, novembre 2021.

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